Qui m’émeut toujours autant :
« Que sunt mi ami devenu
Que j’avoie si pres tenu
Et tant amei ?
Je cuit qu’il sunt trop cleir semei ;
Il ne furent pas bien femei,
Si sunt failli.
Iteil ami m’ont mal bailli,
C’onques, tant com Diex m’assailli
E(n) maint costei,
N’en vi .1. soul en me ostei,
L’amours est morte :
Se sont ami que vens enporte,
Et il ventoit devant ma porte, »
Ce que je traduirais comme suit :
« Que sont mes amis devenus
Que j’avais si près de moi tenus
Et tant aimés ?
Je crois qu’ils sont bien clairsemés
Ils n’ont pas eu assez d’engrais :
Les voilà disparus.
Ces amis-là m’ont maltraité :
Jamais, aussi longtemps que Dieu m’éprouvait
De tous côtés,
Je n’en vis un seul dans ma maison,
L’amitié est morte :
Ce sont amis que vent emporte,
Et il ventait devant ma porte ».
La Complainte Rutebeuf, (environ 1262)